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Alix Roche-Moulin écrivain blog
6 mars 2021

ZONE 51 EXTRAIT

Copie de 9 août 08

Extrait de ZONE 51 nouvelle d’Alix Roche-Moulin à paraitre dans le recueil LA PROXIMITE DES ABIMES.

 

Il est des isolements qu’on abandonne sans regret. Pourtant la compagnie d’Ingrid n’est pas désagréable, même pour un misogyne tel que Pierre. (Pierre n’est pas misogyne dans l’âme. Il l’est devenu comme l’enfant se méfie de la flamme après s’être trop brûlé. Il y a sur le corps de Pierre des plaies d’incendié.) Mais il y a plus grand que nous-mêmes, plus grand qu’un couple balbutiant, et même plus grand que cette ville. Il y a quoi au juste ? Le chaos général peut-être… Une chose en tout cas qui effraie tellement qu’elle incite à se regrouper.

Ainsi vont-ils vers la maison comme on se réunit en vue d’une quelconque offensive.

Et puis le ciel s’ouvre ou bien c’est la terre qui tremble. Tandis qu’ils manquent tous deux d’être déséquilibrés, tandis qu’un coup violent les frappe et qu’ils ressentent jusqu’au fond de leurs tripes, la maison dont ils se rapprochent devant eux se soulève…

Enfin non, elle résiste ; elle encaisse tout comme eux. Seulement les vitres toutes ensemble volent en éclats et c’est comme un brouillard de morceaux de verre autour d’elle. Un brouillard dense qui tintinnabule et ne dure qu’une seconde, faisant croire à un rêve après.

Plus de vitres et plus vraiment de fenêtres.

Copie de PHTO0164

Il ne reste que la mémoire physique du choc, presque une douleur qui fait se demander si l’on n’a pas été blessé. Une stupeur profonde. Et puis la peur. Comment se comporter si cela recommence, ou plutôt s’il survient cette fois-ci quelques signes annonciateurs ? Vers quel abri se précipiter ? Rien de sûr dans les parages.

Toutefois c’est le silence d’après la bataille. Un calme comme on ne croirait pas qu’il en existe. Qu’Ingrid et Pierre apprécieraient peut-être, ou bien redouteraient comme une manifestation surnaturelle, si des abeilles dans leurs oreilles n’émettaient pas de tels bourdonnements.

Le spectacle est si étonnant qu’ils se tiennent par la main pour le contempler, vacillant encore un peu sur leurs jambes. Rien en apparence n’a changé. La maison qui leur bouche l’accès à la rue reste une maison. Elle se dessine à nouveau parfaitement devant eux. Seulement c’est comme si le dessin avait été barré d’un ferme coup de gomme, et puis l’on distingue au-dessus du toit des tourbillons de poussière de bien mauvais augure.

Copie de PHTO0169

— Il me semble maintenant inutile de nous préoccuper de nos hôtes, dit Ingrid d’une morne petite voix.

— Il me semble maintenant inutile d’envisager une fuite immédiate, réplique Pierre pas plus vaillant.

— Nous ne serons pas plus mal ici qu’ailleurs, et même plutôt mieux. Chacun sait qu’à l’instar de la foudre, les roquettes artisanales ne tombent pas deux fois au même endroit.

— Sincèrement, je ne vois pas quel imbécile pourrait avoir dit cela.

— Si je vous l’affirme, c’est bien que quelque part une haute autorité guerrière, un stratège dont le génie vous dépasse, mon petit monsieur, en a ainsi décidé.

— Peut-être ai-je parlé trop vite… Je n’ai pas tant lu que cela.

— Eh bien, il faudrait voir un peu à vous cultiver !

Pierre serre Ingrid dans ses bras. Il s’aperçoit qu’elle tremble et s’en trouve soulagé. Il craignait qu’elle lui en veuille de trembler aussi.

 

PHTO0152

 

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