RUE DES FILATURES Extrait

RUE DES FILATURES, roman d’Alix ROCHE-MOULIN actuellement en vente.

Je m’installe dans le fauteuil face à la porte d’entrée. J’allume cette cigarette qui devrait être la première de la matinée mais qui ne l’est pas. Par terre, sur le dallage, d’affreux caoutchoucs dans les pots desquels Olga vide le fond de son verre de whisky ou bien jette son mégot. Elle soutient que c’est excellent pour ses plantes.

Leurs feuilles exubérantes et torturées m’évoquent les forêts tropicales les plus sombres et les plus hostiles.

Quel âge puis-je avoir ? Je ne suis pas loin de fêter mes 24 printemps, me semble-t-il. Il y a des débuts dans l’existence plus favorables mais je m’en fiche. Ce n’est pas que ma situation actuelle me convienne, plutôt qu’elle m’indiffère.

Je me suis levé de si bon matin pour accueillir la clientèle et répondre au téléphone. Il est rare heureusement que des clients franchissent notre porte. Quant au téléphone, il est fréquent que je le laisse sonner maudissant l’importun. Parfois celui-ci insiste, me contraignant à céder. Alors la voix rocailleuse d’Olga résonne dans le combiné : « Eh bien quoi ? Une heure que je cherche à te joindre !... Tu n’étais pas là ? »

— Si, bien sûr, seulement je nourrissais le vieux cygne de la rivière.

Olga se radoucit.

— Tu sais que l’autre jour, Michel lui a donné un plat de frites ! Il a tout mangé. Michel affirme qu’il s’agit d’un cygne belge !

Olga est calmée. Je raccroche. J’ignore quel était le motif de son appel. Elle-même l’a oublié.

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