TEMPS DE CHIEN Extrait

TEMPS DE CHIEN, roman actuellement en vente d’Alix Roche-Moulin.

Pour Valentin toute maladie est contagieuse et les médecins qui prétendent le contraire sont des ânes. La maladie s’attaque au moral, si par magnanimité, elle épargne le métabolisme. C’est pour se protéger que Valentin est devenu ce parfait égoïste. De son point de vue, la compassion dont Octave a fait preuve à l’égard de Léonard n’a pu lui être que préjudiciable. Valentin le sait, il est des actes d’altruisme dont on ne se remet pas, à l’instar de certaines épreuves ; parce que tout comme celles-ci, ces élans inconsidérés nous vident de nos forces.

Valentin le pressentait, la mort de Léonard va lui prendre un autre de ses meilleurs amis en la personne d’Octave. Valentin refuse de voir son vieux complice diminué. Il a peur de constater qu’il est le dernier membre du trio encore capable de pisser droit. Comme si le sort le désignait pour être sa prochaine victime.

Octave s’était assis, le voilà qui se lève. Ses mains tremblent, et pas seulement ses mains, son corps tout entier. « Sa peine est trop forte, c’est certainement cela, » pense Valentin pour se rassurer. Il se ment à lui-même maintenant que son opinion est faite.

— Que va-t-on devenir ? demande Octave d’un ton pathétique.

Ainsi, durant ces dernières minutes, ont-ils pensé tous deux à la même chose ou à peu près.

— Le temps qui passe, c’est des amis qu’on perd. Autant en prendre son parti.

— Certes, mais plus qu’à Léonard, c’est à nous que je pense. Comprenez-moi, j’ai assisté à chaque jour de sa longue agonie…

— Cela suffit. Ne tombent que les faibles, l’interrompt Valentin.

— Léonard n’était pas un être délicat. C’était peut-être le plus solide de nous trois.

Extrait.