ENTRETIEN AVEC ALIX ROCHE-MOULIN PAR ERIC K. (5)

-      Alix, la prochaine nouvelle de ton recueil LA PROXIMITE DES ABIMES (à paraître) dont nous devions parler s’appelle CONNEXION et raconte l’histoire d’un couple qui n’ose plus affronter le chaos du monde. Par un singulier hasard, mais tu es un auteur qui ne cesse de s’interroger sur son époque, nous voici de nouveau confinés…

-      Nos entretiens deviennent tout à coup presque clandestins… Tu m’en vois ravi ! Dans une société coercitive, on ne saurait trouver mieux que la clandestinité pour une bonne hygiène mentale.

-      Que t’inspire, Alix, ce nouveau confinement ?

-      Au temps des gilets jaunes et de la guerre civile reconduite à chaque week-end, l’ennemi était le pouvoir et ses convictions néolibérales. L’ennemi désormais est devenu invisible. Il est nulle part et partout, ce qui le rend d’autant plus angoissant. C’est un virus.

-      Certains observateurs nous décrivent un président esseulé, évoquent déjà une fin de règne un peu piteuse. Le voilà qui bénéficie alors d’un répit…

-      Reste que cette crise sanitaire engendre, comme chacun sait, une crise économique et sociale de grande ampleur. Je note également que le pouvoir en voulant faire le bien du peuple sans trop se soucier de le consulter ni d’accepter la contestation se conduit de façon non pas démocratique, et nous sommes censés vivre dans une démocratie, mais tout à fait tyrannique. L’on sait ce qu’il advient des tyrans…

-      Le peuple, justement, semble se soumettre à tous les ukases…

-      Je t’épargne cette question philosophique que d’autres ont déjà abondamment posée, ces temps derniers : « Est-ce vivre que survivre ? » Les gens, nous dit-on, ont trop à perdre en espérance de vie dans un monde techniquement aussi évolué, pour se comporter avec hardiesse. Le plus drôle est que la science n’est pas assez avancée pour nous promettre la vie éternelle. Ce qu’elle nous offre aujourd’hui n’est qu’une forme de vieillesse éternelle.

-      Effectivement, Alix, traîner sur terre jusqu’à quatre-vingt dix ans, ne plus en finir de perdre ses boulons, n’être plus que l’hideuse caricature de ce qu’on fut, c’est interminable.

-      Le comique de l’affaire est que la plupart des gens semblent vouloir être un jour ces vieillards qu’on laisse crever solitaires dans les maisons de retraite… surtout quand un méchant virus survient !

-      Nous n’aborderons pas CONNEXION dans ce présent entretien, puisque nous avons décidé d’un commun accord que les articles de ce blog devaient être assez courts. Mais je ne puis résister au plaisir d’en citer un passage. Voilà ce que tu écris à propos du protagoniste de cette nouvelle (à paraître dans LA PROXIMITE DES ABIMES) : « Qu’éprouve-t-il enfermé nuit et jour dans son appartement ? Pas grand-chose, assurément. Il est tellement en sécurité qu’il rêve parfois qu’on le cambriole. C’est un beau rêve. »

-      Mon cher Eric, toute activité humaine suppose un risque. L’absence de tout risque est l’absence de toute vie.

-      Alors entrons sans attendre dans la clandestinité, mon cher Alix, et à bientôt.    

TEMPS DE CHIEN roman actuellement en vente d'Alix Roche-Moulin