TEMPS DE CHIEN Extrait

TEMPS DE CHIEN roman d’Alix Roche-Moulin actuellement en vente.

Valentin boit un whisky et Marc-Antoine grisé par le vin est vite revenu à l’eau gazeuse dans laquelle barbotte une rondelle de citron gorgée de pesticides, puisque le barman, estimant son salaire insuffisant, néglige de respecter les directives sanitaires en lavant le citron susmentionné. Valentin a beau se montrer attentif, il ne repère aucun des anciens habitués de l’établissement. Les vieux amis ne sont plus là, et comme Léonard, ils ne reviendront plus. Le personnel aussi a changé. Valentin n’a pas reçu cet accueil chaleureux qu’on réserve aux bons clients et auquel il a longtemps eu droit.

— Décidément, vous m’avez tout appris. Vous êtes mon mentor, dit Marc-Antoine avec reconnaissance. Ses yeux brillent. Dans un pub tel que celui-ci, l’eau gazeuse suffit à l’énerver. L’on ignore toutefois le rôle joué par les pesticides sur la bonne humeur du jeune homme.

— Je préfère passer pour celui qui vous débauche, ironise Valentin.

— Vous vous montrez toujours tellement patient, tellement disponible avec moi…

— Plus que jamais les hommes doivent se serrer les coudes, n’est-ce pas votre avis ?

Marc-Antoine hoche la tête timidement. C’est qu’il n’est pas si sûr d’être un homme et Valentin n’est pas persuadé non plus qu’il en soit un. Cependant, puisque ses vrais amis ont disparu, Valentin doit se rabattre sur ce qu’il lui reste. Notamment cette chiffe molle de Marc-Antoine qu’il s’efforce, en vain peut-être, d’endurcir. Autour d’eux, les hommes et les femmes paraissent s’ignorer et font table à part. Il est rare de voir réunis deux individus de sexes opposés. Ce n’est donc pas une femme qui viendra tirer Valentin de sa solitude.

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